Audience publique du mercredi 14 mars 2012
(Non publié au bulletin Rejet)
« M. Lacabarats (président), président
SCP Monod et Colin, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 21 septembre 2010) que M. X..., engagé le 1er avril 2004 par M. Y... en qualité d'ambulancier, a été licencié pour faute grave par lettre du 15 mars 2007 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à verser diverses sommes au titre de la rupture alors, selon le moyen, que le fait pour un ambulancier de conduire le véhicule de son employeur en faisant usage au volant de son téléphone portable, constitutif d'un manquement à la sécurité et d'une infraction pénale, est une faute grave ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que le salarié a, à de nombreuses reprises, fait utilisation de son téléphone portable, avec ou sans kit mains libres, lors de la conduite de l'ambulance transportant des patients ; qu'en se fondant néanmoins, pour écarter la faute grave, sur la circonstance inopérante que le salarié n'avait pas été verbalisé ni impliqué dans un accident de la circulation, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et ainsi violé l'article L.1234-1 du code du travail ; »
Je traduis en langage courant : Téléphoner au volant d’une ambulance est une infraction pénale.
Selon l’employeur de l’ambulancier, une infraction pénale, c’est une faute grave entraînant un licenciement.
Et qu’il ne voit pas pourquoi la Cour d’Appel de Nîmes le condamne aux dépens de la cause et autres intérêts et dommages à réparer, même si l’ambulancier « n’avait jamais été verbalisé ni impliqué dans un accident de la circulation » pour sa folle prise de risque quant à ce comportement … hors-la-norme !
« Mais attendu que la cour d'appel ayant constaté que ce n'était que de façon occasionnelle que le salarié avait utilisé son téléphone au volant sans recourir à un kit mains libres et qu'il n'avait jamais fait l'objet d'avertissement à ce sujet de la part de son employeur, a pu décider que ces manquements ne rendaient pas impossible son maintien dans l'entreprise et ne constituaient pas une faute grave et, exerçant le pouvoir qu'elle tient de l'article L.1235-1 du code du travail, a estimé qu'ils n'étaient pas assez sérieux pour justifier le licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ; »
Je traduis en langage courant : Pas de sanction sans faire « l’objet d’avertissement à ce sujet de la part de l’employeur » !
« Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille douze. »
Si naturellement cet arrêt est parfaitement fondé en droit, comme toujours en ce qui concerne les juristes de la plus haute juridiction civile, j’avoue être un peu sur le kul !
Comment se fait-ce que le parquet n’ait pas poursuivi l’ambulancier pour manquement au code de la route reconnu en audience publique, donc valant aveu authentique ?
Ce qui n’aurait pas changé la solution dans son périmètre du droit social immédiat, mais aurait pu ouvrir des voies de droit similaires conduisant à un licenciement et une action en répétition de l’indu (histoire d’en rire !)…
Dans leur immense sagesse, les juges suprêmes auraient-ils eu la même solution si le patient « ambulanté » avait été victime d’un accident de la route pour cause d’usage intempestif de téléphone-au-volant ?
Si on peut se prévaloir de « principes immuables » devant cette Haute Cour, le salarié fautif aurait été dédouané de toute responsabilité, qui reste attaché au lien de subordination en la circonstance et l’assureur de l’employeur aurait été dans l’obligation d’indemniser les victimes : Ce qui est parfaitement conforme à la jurisprudence de la Cour en d’autres matières que le droit du travail.
Donc, à l’employeur de « prévenir avant de guérir » : Celui-là était en faute de n’avoir pas émis des consignes préalables d’avertissement.
Et nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes !
Bref, désormais on peut téléphoner à bord de son véhicule de fonction sans risquer d’être licencié, dès lors que personne ne nous avait averti de ne pas le faire.
Faut que je ponde une « note de service » à ce sujet-là.
Pour l’alcool au volant, c’est déjà fait…