Buzzzzzz !
Ce gars-là, ça n’a pas loupé, il a fallu qu’il fasse « buzz » tout au long « de la toile » à l’occasion de l’énoncé du verdict de correctionnelle l’impliquant dans trois délits, dont la grande majorité des béotiens perçoit à peine qu’ils sont aussi graves que de faire les poches de « Lili Bête-en-Cour » avec son consentement, ou de n’importe quelle vieille qui va à son DAB habituel.
Quand même, « abus de confiance », « faux et usage de faux », « introduction d’informations frauduleuses dans un système informatique », même si ce n’est pas pour s’enrichir directement à titre personnel, ça fait beaucoup pour un seul…
Et chacun de prendre partie.
Pas la peine, les juges ont tranché au nom du Peuple de « Gauloisie », n’y revenons plus tant que la Cour d’appel n’aura pas rendu son verdict : ce serait un délit au moins aussi grave que le reste, une sorte d’attentat contre les institutions dont je me garderai bien quant à mon « moi-même ».
On peut tout juste noter qu’en réalité, il y a deux versions de la même affaire, d’après les dires des avocats des deux parties.
Pour l’une, un « esclave-salarié » indélicat a fait les poches de son patron.
Pour l’autre, un « patron-esclavagiste » n’a pas surveillé assez étroitement son « esclave-salarié ».
Une première fois, « l’Autorité » (des marchés financiers) a tranché : l’encadrement n’était pas suffisant ou mal fait.
La faute au « Boss » qui a été prié de remettre de l’ordre dans sa boutique.
Et de virer quelques-uns au passage.
Bé oui, 5 mignards qui s’évaporent, là comme-ça, sur des engagements supérieurs à 50 mignards (un peu à la Madoff), plus que les fonds propres de la banque elle-même, ça fait beaucoup.
Pourraient quand même faire gaffe avec du pognon qui n’est pas à eux, non ?
Du pognon qui d’ailleurs n’existe que virtuellement…
Signe que la boutique était mal tenue, ce sont les concurrents allemands qui ont sonné discrètement le tocsin : sans ça, ça continuait et on n’en aurait jamais rien su.
Par bonheur pour l’employeur, z’ont remis de l’ordre sur leur salle de dérivés, un peu avant la cata des subprimes et de leurs dérivés, qui si elle couvait depuis 2006, n’a vraiment entraîné la chute des marchés qu’une première fois en septembre 2007, qui a arrêté les « spéculations intensives » et n’a provoqué un véritable effondrement qu’en septembre 2008…
Bref, ça eut pu aurait être bien pire sans Jérôme K.…
Quelques démissions plus tard, il était donc temps de reprendre le contrôle de la machine à cash virtuel.
Du point de vue de l’autre partie, on insiste bien fort que le fait que tout le monde faisait pareil et que rien n’est jamais laissé au hasard dans les salles de marché.
Il est vrai qu’absolument tout y est traçable et contrôlé en permanence : z’ont même des robots informatiques pour ça, qui en principe ne laissent absolument rien passer.
Bref, une formidable machine capable de réagir en quelques fractions de microsecondes, telles qu’on en bien vu les effets en Mai dernier, quand tout d’un coup Wall-Street s’est lourdement planté sur la vente de swap déclenchée par l’un d’entre eux : Plus de 70.000 contrats qui changent de main en quelques minutes, à peine le temps d’aller se soulager à la pause-pipi et vlan, moins 10 % dans les mirettes !
Bref, Jérôme n’y est pour rien, « c’est pas moi c’est l’autre », la faute au système !
Idem pour la Générale : on fait dans le discret, on dénoue à perte (alors que ça aurait pu gagner, mais on ne le saura jamais) et on annonce le coût des dégâts !
Illico presto, l’action passe de 140 euros à un niveau qui peine à redépasser 40 euros encore aujourd’hui !
Et encore, faut-il « recapitaliser » par un coup d’accordéon au passage pour « assumer » les pertes.
Beau coup : Ainsi, la banque et ses emplois n’ont pas eu à disparaître et le « petit déposant », il n’a pas paniqué !
Les seuls qui se sont fait piégés, ce sont les actionnaires, dont, pour une petite partie, tous les salariés à travers leur épargne-salariale-maison, et autre titulaires de « stock-options » : normal qu’ils aient une dent contre Jérôme K.
Les « autres », ceux-ce qui continuent vaille que vaille à faire gagner de l’argent à leur patron dans les tours de la Défense, aussi.
Ils ont le « contrôle » sur le dos en permanence : ça nuit à l’efficacité de leur travail et donc à leur rémunération, puisqu’ils sont tous commissionnés sur leurs résultats.
Ces kons-là auront peut-être appris au passage, qu’on ne laisse pas n’importe qui faire n’importe quoi dans la même équipe (mais je n’en suis pas si sûr…).
Parce que jusque-là, ils n’avaient pas trop l’esprit d’équipe, pour tous être sortis de « Centrale » (les « pistons » de l’élite matheuse), regardant déjà de travers un « X » (qui ne s’y risque pas), ou un « HEC » !
Jérôme K., il était « Master Lyon » : un « trisomique » pas de leur bande !
Alors, à force de l’avoir snobé, bé il faisait les mêmes konneries que les autres, mais sans prendre les mêmes précautions : fatalement, il allait se faire éjecter de leur petit monde d’élite consanguine, un jour ou l’autre et c’est bien ce que tout le monde cherchait dans ladite salle du marché.
Ça eut été plus brutal que prévu, avec un retour de bâton tel que désormais, ils sont en état de forteresse assiégée, tellement « mauvais » de ne pas avoir joué le jeu de l’équipe au profit de la performance personnelle.
Faut des stars dans une équipe de foot. Mais le nul qui joue au hand dans son coin, on le met dans les buts et on lui explique qu’il ne peut pas sortir de la surface de réparation avec la balle à la main : pas la peine de ne pas le lui dire, même si l’arbitre tourne le dos à ce moment-là !
Passons sur la période de crise…
Pour en revenir au jugement (que nous ne contesterons pas, pas même dans les commentaires, SVP, c’est un délit), juste pour en dire que finalement, il n’a retenu que le premier degré (et a donc bien fait) :
Y’a-t-il eu délit caractérisé, oui ou non ?
Réponse : Oui, Jérôme K. le reconnaît lui-même.
Donc peine maxi = 5 ans.
Y’a-t-il eu circonstances atténuantes ?
Oui, d’où le sursis partiel pour deux ans.
Lesquelles, on ne sait pas.
On ne peut guère être plus logique, non ?
On notera que le « Peuple de Gauloisie », sur ce coup-là, il n’aura même pas eu droit à une petite compensation sous forme d’amende, histoire de rembourser les coûts de l’enquête, même partiellement…
Que j’en suis déçu, figurez-vous !
D’autant que le juge pénal est également saisi de l’aspect civil :
Y’a-t-il eu préjudice pour la victime ?
Oui ! Assez « chaud » d’ailleurs.
Et il a fallu tout le génie de ses dirigeants pour éviter le pire et les plans sociaux : Bravo !
Article 1382 du Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».
On ne peut être plus clair : Préjudice = Réparation (intégrale), si il y a une « faute » et « un lien de causalité » entre la faute et le préjudice.
Faute, il y a (pénale, même), lien de causalité ? Il est direct, on ne peut faire plus simple.
Indemnités : les 5 milliards perdus…
Article 1383 : « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement de son propre fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».
Jérôme a été « imprudent » bien au-delà de la « gestion en bon père de famille » que réclame le corpus juridique à l’égard de tous.
Quant à la négligence de son employeur, c’est un peu plus compliqué, puisqu’il a « donné mandat » à son trader de faire.
Rétrospectivement, il a eu tort, mais le « mandat » libère le troisième point (à suivre), rompt en quelle que sorte le « lien de subordination » existant entre un employeur et son salarié, postulé par la jurisprudence constante de la Cour de cassation en matière de « contrat de travail ».
Car, troisième point, c’est l’article 1384 alinéa 1er : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre (ou des choses que l’on a sous sa garde) ».
Clairement, un salarié n’est jamais personnellement responsable d’une faute à l’égard des tiers du fait de l’accomplissement des tâches confiées… dans le cadre d’un contrat de travail.
C’est son employeur qui l’ait.
Et d’ailleurs, il s’assure pour ce risque là.
Tout juste, la faute, selon sa gravité, justifie d’un licenciement fondé (une rupture du contrat de travail), selon différents procédés entre faute dite « grave ou lourde » (la « légère » fondant seulement la perte de confiance qui est le troisième cas d’une « cause réelle et sérieuse » de licenciement). Mais ce n’est jamais aussi simple que pour le K de Jérôme Cas…
(Me suis-je embrouillé, là ?)
Là, d’emblée, le contexte est complexe : la victime, c’est l’entreprise. D’autant mieux que c’est elle qui a dénoué les engagements de Jérôme K. et pas lui-même. Autrement dit, on ne lui a pas laissé le choix de montrer et démontrer que ses placements étaient ou non judicieux.
A-t-elle donné « mandat » (Mandat = Liberté du mandataire dans l’exécution de sa « mission »), pour retrouver la bienséance d’un « lien de subordination » de façon unilatérale ?
Oui : ce sont des faits !
Alors, alors… S’agissait-il d’un contrat de travail déguisé en « mandat », finalement ?
Oui et non !
Non, parce que le mandat peut être rompu ad nutum comme n’importe quel mandat civil ou commercial (professionnel, dira-t-on), selon les usages de la professions…
Et c’est ce qui s’est passé.
Oui parce que les « tâches à accomplir » sont identifiées, que les « horaires lieux et consignes » de travail caractérisant un « lien de subordination » sont localisés dans les locaux et avec les moyens de « mandant ».
Là, la chambre correctionnelle du TGI de Paris, manifestement ne se saisit pas de la question et s’en tient à l’existence d’un « mandat » et du préjudice.
Il y aura donc appel.
Mais je ne suis pas certain que, si la Cour de Cassation (chambres réunies, ou « mixte » pour le coup, puisque si le moyen est soulevé par les avocats de Jérôme K., il est d’abord de la compétence de la chambre sociale alors qu’il sera évoqué devant la chambre criminelle) est saisie, elle ne rende pas une décision qui viendra garnir ma bibliothèque à commentaires.
J’adore quand « le droit » s’élabore, là, sous nos yeux ébahis : Un vrai plaisir de la « chose vivante » et contemporaine !
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