Le Président : commentaires (part one)
1. Rôle du président de la République. Article 5. « Le président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par ses arbitrages, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. Il définit la politique de la nation. »
D’ultime « juge arbitre », de dernier recours, de clé de voûte de l’ensemble des institutions, le Président devient d’un coup le « Grand Timonier ».
On glisse tranquillement d’un régime présidentiel vers un régime présidentialiste, en notant aussi que quand « Sakoléon 1er » roule pour son premier ministre à aller faire du dialogue social directement sur le terrain dans les entrepôts de la SNCF ou les ports bretons, il n’a pas besoin de révision constitutionnelle pour autant !
2. Rôle du gouvernement. Article. 20. « Le gouvernement [détermine et] conduit la politique de la nation. Il dispose à cet effet de l’administration et de la force armée. Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50. »
L’un définit, l’autre conduit. L’un est irresponsable devant le Parlement, l’autre peut être renversé par une majorité de circonstance.
C’est le fusible idéal, en notant encore une fois que jusque là, le Premier ministre a toujours joué ce rôle depuis la IIIème République… sans que cela ne gêne quoique ce soit à la vie politique du pays !
3. Clarifier le rôle du premier ministre en matière de défense nationale.
Bé oui : Le « pédégé » est garant de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire, mais en même temps c’est son premier ministre, exclusivement semble-t-il, qui dispose de la force armée !
Mais chez « Ballamou », on n’est jamais à une contradiction près : la preuve !
Mais si l’un tient le goupillon de la politique étrangère (car rien n’est précisé quant au « domaine réservé » présidentiel), l’autre tiendrait le sabre : étonnant !
L’air de rien, le « Chef des armées » n’en serait plus réellement le chef.
Ou alors la formule veut dire exactement l’inverse : le premier ministre n’aurait plus de rôle à jouer en matière d’effort militaire, ce qui est assez contradictoire avec le point précédent… puisqu’il conduit aussi la politique de la Nation !
4. Élections. Sauf cas de désynchronisation des calendriers, organiser le premier tour des élections législatives le jour du second tour de l’élection présidentielle.
La belle affaire !
Un pas de plus vers la « présidentialisation » du régime en mélangeant les genres…
5. Messages du président de la République au Parlement. Article 18. « Le président de la République peut prendre la parole devant l’une ou l’autre des assemblées du Parlement. Son allocution peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. Hors session, le Parlement est réuni spécialement à cet effet (…). »
Voilà qui n’est pas banal : Notre « pédégé » est déjà par ailleurs irresponsable devant le pouvoir judiciaire, mais lui pourrait aller « donner la piqûre » au Parlement, non pas avec un simple message (il a toujours pu le faire) mais à travers une allocution, quand il le veut et même hors session, sans pour autant que le Parlement ne puisse s’exprimer autrement que par des débats : République du « cause toujours » !
À la botte et le petit doigt aligné sur la couture du pantalon !
Cette possibilité induit également une confusion des pouvoirs législatif et exécutif, mais dans le sens d’une suprématie du pouvoir présidentielle : Un pas de plus vers la présidentialisation du régime !
6. Président de la République et commissions d’enquête parlementaires. Article 18. « (…) Le président de la République peut être entendu à sa demande par une commission d’enquête parlementaire. »
Voilà encore un « plus » : Il peut… à sa propre demande ! Ce n’est pas la commission qui en décide…
On peut imaginer le scénario ou le chef vient donner son avis dans la commission Outreau !
Assez plaisant.
7. Pouvoir de nomination. Clarifier les compétences respectives du président de la République et du premier ministre en matière de nomination aux emplois civils et militaires.
Jusque là, lesdites nominations sont le fait d’un décret pris en Conseil des ministres. Quoi de plus clair ?
Va-t-on transporter le « débat » sur tel ou tel conseiller, ou bien les généraux militaire vont-ils aussi devoir vendre leur soupe à l’un puis l’autre ?
Ou bien l’un et l’autre vont-ils avoir des domaines réservés et des domaines partagés ?
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, nous dira-t-on…
8. Nominations par le président de la République. Introduire une procédure de contrôle parlementaire sur certaines nominations.
Lesquelles ? Et comment le Parlement contrôlerait-il les « certaines » nominations ? Aurait-il le « droit de veto » pour tel ou tel général étoilé, pour des Préfets, ou bien inversement c’est Président qui décide en dernier ressort ?
9. Droit de grâce. Article 17. « Le président de la République a le droit de faire grâce après que le Conseil supérieur de la magistrature a émis un avis sur la demande. »
Aujourd’hui, la « grâce » n’est accordée qu’après instruction de la demande par les services du ministère de la justice. Un avis peut être sollicité à qui le pouvoir exécutif le demande.
Après il fait ce qu’il veut. Que cela change-t-il donc ?
10. État d’urgence et état de siège. Article 36. « L’état de siège et l’état d’urgence sont décrétés en conseil des ministres. Leur prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. Une loi organique définit ces régimes et précise leurs conditions d’application. »
Jusque là, la décision revenait au « pédégé » qui en décidait par voie d’urgence.
Parallèlement, le Parlement est automatiquement en session ouverte, autant de temps que durent les « pouvoirs exceptionnels ».
Que la durée soit limitée à 12 jours n’est pas idiot. Mais est-ce bien suffisant ?
11. Article 16. « (…) Au terme d’un délai de trente jours, le Conseil constitutionnel peut être saisi par 60 députés ou 60 sénateurs aux fins d’apprécier si les conditions fixées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce par un avis qu’il rend dans les moindres délais. Il procède de lui-même à cet examen après soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà. »
12 jours : une loi ! 30 jours : la saisine du conseil constitutionnel. 60 jours, l’auto-saisine du dit Conseil.
Pour décider quoi ? Que la situation l’exige ?
Que la situation ne l’exige plus ? Ou pas du tout rétroactivement (comme lors du putsch d’Alger par le célèbre quarteron de généraux félons, seule situation historique où l’article 16 a été évoqué) ?
Qu’advient-il si par hasard, une loi, puis un avis du Conseil, puis un 2ème avis du Conseil ne suffit pas pour faire cesser la situation des « pleins pouvoirs » ?
On en revient aux bonnes vieilles méthodes, qui ont fait leurs preuves, en prenant chacun son fusil et on se fait un petit coup d’état de derrière les fagots ?
12. Révision constitutionnelle. Article 89. « (…) Lorsque le projet ou la proposition de révision a été voté par les deux Assemblées en termes identiques, la révision est définitive après avoir été approuvée par un référendum organisé dans les six mois par le président de la République (…). »
Exit le Congrès !
Mieux : la révision de la constitution par voie parlementaire en est réduite à la procédure d’adoption des simples lois ordinaires !
Voilà qui n’est pas ordinaire pour LE texte ayant LA plus haute valeur juridique du pays…
13. Interventions du président de la République dans les médias audiovisuels. Prendre en compte ces interventions dans le temps de parole de l’exécutif.
L’exécutif n’a pas encore de temps de parole en tant qu’exécutif.
Le décompter revient à partager les antennes non plus entre opposition et majorité, mais entre opposition, majorité et exécutif !
À quand le temps de parole du troisième pouvoir, le judiciaire ?
14. Budget de la présidence de la République. Prévoir la prise en compte de la totalité des crédits nécessaires à son fonctionnement et instituer un contrôle par la Cour des comptes de leur utilisation comme pour les autres pouvoirs publics constitutionnels.
Là encore, quand Fillon et Lagarde « consolide » le budget de l’Élysée, il est dit clairement que c’est pour en favoriser le contrôle, à la fois par le Parlement et la Cour des comptes : Il s’agit de « transparence » !
Quid novi ?
Encore une proposition pour rien, puisque si ça existe avec les textes actuels, nous n’avons donc pas besoin d’une révision de plus !
15. Sélection des candidats à l’élection présidentielle. Substituer au système actuel de parrainage une présélection des candidats par un collège de 100 000 élus.
100.000 élus, c’est la totalité des personnes exerçant un mandat électif, tout confondu.
Par rapport aux 36.000 maires et les 500 signatures, quel est le nouveau seuil à obtenir par l’impétrant ?
1.500 signatures ?
Ou juste 50.000 acquiescements ?
Voilà qui n’est pas clair…
16. Cabinets ministériels. Clarifier les conditions d’emploi de leurs membres.
Ce n’était pas assez clair comme ça ?
On veut créer un « statut nouveau » à ces « deus ex machina » de la vie politique qui ont le défaut de ne pas être des élus, mais qui sont autant de grands vizirs (qui veulent forcément être Calife à la place du Calife) ?
Ce serait leur rendre grâce du rôle « obscure » qu’ils ont déjà en « constitutionnalisant » leurs prérogatives.
Est-ce que ça empêcherait pour autant « Rachida Mimi » de virer tel ou tel de ses directeurs qui n’ont pu tomber sous son charme incendiaire des îles des mers du sud, ou de déplacer tel ou tel proc’ pour des motifs obscurs ?
24. Procédure d’urgence. Permettre aux Assemblées, par un veto conjoint, de s’opposer à l’usage de la procédure d’urgence.
On y revient !
Mais voilà qui n’est pas banal : Après les propositions 10 & 11 de contrôle par le Parlement et par le Conseil constitutionnel, voilà t’y pas qu’on nous colle un « droit de veto » à l’encontre du « Vénéré Président », jusqu’à lui interdire, désormais, de considérer la situation comme « urgente »…
Le tout avant la loi sur les 12 jours, imagine-t-on !
Ou après… allez savoir ?
Le comité « Ballamou » s’emmêlerait-il les pinceaux dans le tapis ?
30. Respect des articles 34 et 37 de la Constitution. Permettre aux présidents de chaque assemblée de déclarer irrecevable les amendements intervenants dans le domaine réglementaire.
Là encore, on en rigole !
Il y a une frontière entre la loi, d’ordre parlementaire, qui s’impose au règlement, propre au pouvoir exécutif !
Soit ce dernier et conforme au premier et il n’y a pas de souci.
Soit il ne l’est pas et le Conseil d’État (pouvoir judicaire) annule le décret et ses effets.
Dans son silence, la Loi redit les détails normalement du domaine des décrets.
Il est souvent clair aussi que la Loi ne fait que légaliser les décrets, voire les avancées de la jurisprudence, ou de la doctrine administrative… La « gauche au pouvoir » était friande de ce genre de « grande réforme ».
Mais alors « Quid » des nominations des points 7, 8 & 16, prises par décret ?
Voilà qui commence à faire beaucoup de contradiction pour un comité de « Sages refondateurs » !
D’autant que le Parlement peut toujours déléguer une partie de ses pouvoirs législatifs à l’exécutif qui légifère directement par voie d’ordonnance !
Cumulant ainsi le pouvoir de dire la Loi et de pondre le règlement d’application dans la même foulée !
Mais sur ce point… grand silence !
68. Procédure de révision de la Constitution. Permettre à l’article 89 qu’en cas de refus de révision constitutionnelle par l’une des deux assemblées tandis que l’autre a adopté le texte à la majorité des trois cinquièmes, il soit organisé un référendum de telle sorte que le peuple souverain soit appelé à trancher.
Après avoir « viré le Congrès », voilà donc le référendum populaire qui revient ! Condition : Une assemblée fait de l’obstruction pendant que l’autre vote aux trois cinquièmes.
Vous aurez compris que si l’une vote, mais à une courte majorité et que l’autre repousse, mais à une courte majorité, il ne se passe plus rien…
On n’est pas dans la m…
Soyons sérieux : le Président a toujours un droit reconnu de présenter une révision constitutionnelle au peuple plutôt qu’au Parlement.
Cette disposition du « comité des Sages de Ballamou » veut-elle dire qu’il n’aurait plus le choix ?
Ou bien est-elle surabondante ?
Mystère…
Conclusion pour cette partie là :
Outre la glissade vers plus de « présidentialisation », on conçoit très vite qu’il reste non seulement des « points obscurs », mais tout autant des contradictions dans ces propositions.
En bref, c’est encore de l’argent jeté par les fenêtres, des neurones activés pour pas grand-chose !
Dommage.